dimanche 9 janvier 2011

Parents : Grossesse , accouchement : trop de médicalisation ?

Source : débats-parents

Compte-rendu

Grossesse , accouchement : trop de médicalisation ?

Notre premier débat a eu lieu à Paris, à la Cité de l’Architecture. Entre les experts que nous avions sollicités et un public averti, le dialogue s’est engagé très vite. Nous vous livrons ici un compte-rendu non exhaustif, articulé autour des moments forts de la soirée.
Un thème fort, sujet à polémique : la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement. En fait-on trop pour la sécurité, pas assez pour l’intimité que tout couple souhaite pour la naissance de son enfant ? Pour en parler, des experts de haut vol, René Frydman, gynécologue obstétricien, et Myriam Szejer, psychanalyste engagée auprès des bébés et de leurs mères, une marraine de charme et de choc, la comédienne et jeune maman Astrid Veillon. Pour échanger avec eux, des parents réactifs avec des témoignages intenses et souvent de justes interrogations. Pour lancer la discussion – d’actualité puisque le Sénat venait le jour même se prononcer pour l’ouverture de maisons de naissance test –, notre journaliste-animatrice, Emmanuelle Chantepie, a donné en exclusivité les résultats de notre sondage réalisé avec l’Institut des Mamans (voir fin article). Bonne surprise : les mamans sont plutôt satisfaites de la prise en charge de leur grossesse et accouchement. Même si la moitié d’entre elles la jugent standardisée. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
Un suivi pas assez personnalisé
Pour expliquer ce ressenti des mères, le Pr Frydman a rappelé en préambule que toutes les femmes ne devraient pas « entrer dans le même moule de surveillance ». Certaines grossesses, plus difficiles, doivent bénéficier d’un accompagnement spécifique quand, d’autres, sans problème, pourraient se contenter d’une prise en charge allégée. Myriam Szejer, elle, a estimé que cette problématique d’une médicalisation pas assez individualisée se posait depuis de nombreuses années. « Les femmes sont vues chaque mois pendant un temps très court par une sage-femme qui est rarement la même. Elles ont alors l’impression de ne pas être prises en compte. » Chacun en a convenu, l’accompagnement par une même sage-femme, du début de la grossesse jusqu’à la salle de naissance, permettrait sans doute un suivi plus personnalisé et un plus grand confort psychique des mères. Mais un tel suivi est aujourd’hui un luxe.
L’entretien du 4e mois… Quel entretien ?
La psychanalyste a ensuite évoqué l’entretien du 4e mois de grossesse, mis en place en 2007 pour, notamment, une meilleure écoute des futures mamans. Cet entretien prénatal précoce est censé être systématiquement proposé aux femmes enceintes. Astrid Veillon, la marraine de nos débats, maman d’un petit Jules de 8 mois, n’en a pourtant jamais entendu parler. Comme la plupart des mères, puisque d’après une enquête du Collège National des Sages-Femmes, seul un tiers des femmes en ont bénéficié.
Des examens à double tranchant
Les prises de sang, analyses d’urine, échographies, touchers vaginaux : peu de femmes en revanche y échappent. Ces examens de grossesse, censés rassurer, peuvent aussi être source de stress. « Ils rassurent les pères, mais sont à double tranchant pour les mères, a confirmé Myriam Szejer. Plus on cherche, plus on a peur de trouver. Certaines femmes ont le sentiment d’être défiées dans leur capacité à être de bonnes mères. Ou elles vont se sentir dépossédées de leur capacité à s’occuper de leur enfant tranquillement. »
Subir son accouchement
C’est bien cette notion de dépossession qui s’est trouvée au cœur de nos échanges. De nombreuses femmes expriment le regret de ne pas avoir été suffisamment actrices de leur accouchement. Franck, papa de jumeaux de 21 mois, a tenu à témoigner pour son épouse. « Cette grossesse, obtenue après de nombreuses FIV, a été très suivie. Aujourd’hui, ma femme souhaiterait être de nouveau enceinte ne serait-ce que pour revivre sa grossesse et son accouchement sans toute cette angoisse. Elle a eu le sentiment d’un manque. » Le micro en main, Céline, maman d’un enfant de 15 mois, a livré posément son expérience : « J’ai le sentiment d’avoir subi mon accouchement. La césarienne a été programmée malgré moi parce que mon bébé était en siège. Malgré mes demandes répétées pour tenter la voie basse, mon gynéco a refusé. » Emmanuelle, maman de deux enfants, a elle aussi voulu partager son vécu. L’accouchement de son 1er enfant a duré 35 heures. L’expérience, très éprouvante, l’a plongée dans une dépression. « Pour ma deuxième grossesse, je suis allée voir une sage-femme libérale qui a entendu ma souffrance. Elle m’a proposé d’accoucher dans un pôle physiologique, c'est-à-dire une salle nature au sein de la maternité, donc très rassurante. Ma sage-femme a pu m’accompagner jusqu’au bout. Ce projet a dépassé toutes nos espérances, c’était d’une sérénité absolue. Ma fille est née en 23 minutes. »
Les maisons de naissance
Pour un futur bébé, 25 % des mères interrogées par l’Institut des Mamans choisiraient, comme Emmanuelle, un lieu d’accouchement alternatif, c’est-à-dire une salle nature, une maison de naissance ou leur domicile. Les maisons de naissance, ardemment défendues par René Frydman, vont donc enfin pouvoir exister en France, en toute légalité. Gérées par des sages-femmes, mais attenantes à des maternités, elles doivent permettre aux mères d’accoucher de façon plus naturelle. « Quand j’ai visité la première maison de ce type au Canada, a raconté Myriam Szejer, j’ai été frappée par l’ambiance. L’entourage était très amical et chaleureux. Tout le monde se connaissait. Les gens mangeaient ensemble, partageaient des choses. Tout le monde était impliqué autour de l’enfant à naître. »
Pour une médicalisation raisonnée
En guise de conclusion, les intervenants sont revenus sur cette notion de « médicalisation raisonnée » qui leur est chère. « S’il y a des facteurs de risque particuliers, alors oui, il faut prendre une filière particulière, très médicalisée, a rappelé René Frydman. Sinon, il n’y a aucune raison de ne pas aller en maternité de niveau 1 ou en maison de naissance. Il faut également des passerelles entre les établissements pour que l’accompagnement soit souple, pour pouvoir basculer d’un côté ou de l’autre rapidement. Et il ne faut pas oublier que si les professionnels doivent proposer différentes options, comme la possibilité de changer de positions ou de prendre un bain, les mères, elles, ne doivent pas hésiter à formuler des demandes. » Myriam Szejer a elle aussi insisté sur la nécessité de l’écoute et de la parole : « Les mères doivent pouvoir être entendues et avoir le choix en fonction de leur histoire. Les professionnels doivent aussi les aider à assumer la déception. Quand il faut soudain médicaliser, les parents ont besoin d’être préparés, d’être accompagnés pour accepter cette réalité. Car un enfant ce n’est pas que du rêve. » G. G.-L.

Sondage exclusif Parents /institut des mamans

Votre suivi de grossesse a été médicalisé comme il faut : 90,7 % 
Trop médicalisé : 5,6 % - multiplications des examens de dépistages (54,3 %) et des consultations prénatales (50,2 %).
Pas assez médicalisé : 3,7 %

Votre accouchement a été médicalisé comme il faut : 89,0 %
Trop médicalisé : 7,1 % - impossibilité de choisir sa position (54,9 %), à cause d’une équipe médicale trop directive (31,5%) et par le non-respect de mon choix de péridurale ou pas (17,8 %).
Pas assez médicalisé 3,9% 
 
La prise en charge a été réellement adaptée à vos besoins et envies : 50,9 %
Ou standardisée : 49,1 % 
   
Pour une nouvelle grossesse, vous préférez accoucher :
Dans une maternité de niveau 2 : 37,9 %
Dans une maternité de niveau 3 : 20,3 %
Dans une maternité de niveau 1 : 16,8 %
En salle nature au sein d’un service de gynécologie-obstétrique : 15,5 %
Dans une maison de naissance, attenante à une maternité : 6,3 %
Chez moi : 3,2 %

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