mercredi 23 mars 2011

MSN et partage du lit

Suite à une étude sur la mort subite du nourrisson (MSN) de l'INVS (Institut National de Veille Sanitaire), on a entendu et lu dans les médias le renouvellement des recommandations pour éviter ces décès.
Rien de bien nouveau, et l'INVS le dit lui-même : il s'agit plus de rappeler aux parents quels sont les gestes à adopter (pas d'oreillers, pas de couvertures, pas de couette, pas de tour de lit molletonné, matelas ferme, et bien entendu couchage sur le dos). L'étude conclut qu'environ 1/3 des décès pourraient être évités si ces recommandations étaient respectées.
Parmi celles-ci, le partage du lit a été présenté par les médias comme une situation à risque, sans aucune nuance.


L'étude complète est cependant moins formelle. Le partage du lit fait l'objet d'un paragraphe complet en raison des controverses dans les études. Là où l'association américaine de pédiatrie prône dans ses recommandations pour éviter la MSN une séparation complète entre le lit de la mère et de l'enfant, au Royaume-Uni, les recommandations sont plus nuancées : "Ne partagez pas le lit avec votre bébé si vous avez consommé de l'alcool, si vous prenez des médicaments pour dormir ou si vous êtes fumeuse".
Aussi, l'étude tient compte de ces biais et les données recueillies concernant l'état dans lequel a été retrouvé le bébé ont été notées quand celà était possible. Si on s'intéresse aux décès des enfants de moins d'un an (dichotomoie opérée dans l'étude), 220 sont décédés (l'enquête ne porte que sur quelques départements français). 36 partageaient le lit d'un adulte (ce qui était habituel pour la moitié d'entre eux). On ne connaît pas en France la prévalence des bébés partageant le lit de leur parent.
Sur les 220 enfants décédés,les informations étaient suffisantes pour 182 d'entre eux et ont donc été étudiés. La cause du décès était connue dans 72 cas, dont 18 concernaient un "accident de literie" par étranglement ou asphyxie. et parmi ces 18 cas (qui sont détaillés au paragraphe 4.2.9.2) 3 enfants partageaient le lit avec un parent ou une fratrie (en excluant ceux qui partageaient un canapé). Sur ces 3 enfants, l'un avait été couché sur le côté et dormait avec sa mère et ses frères. Un autre dormait avec oreiller et couette et était décédé d'hyperthermie, ayant "glissé sous la couette en bas de l'oreiller". Le troisième, couché sur le dos, dormait dans le lit de ses parents et est mort d'asphyxie.
Pour 103 enfants la cause du décès était inexpliquée (l'autopsie n'a pas permis de déterminer un diagnostic). Parmi ceux-ci, 20 dormaient dans le lit de leurs parent ("co-bedding"). Sur ces 20 cas, 5 enfants avaient des parents ayant consommé de l'alcool, des somnifères ou du cannabis, en sachant que la moitié des parents interrogés n'ont pas répondu à cette question suite à l'enquête. Un autre des 20 cas a été noté en suspicion de maltraitance.

On remarque donc que sur 182 enfants de moins d'un an sur lesquels l'enquête s'est basée, 23 enfants partageaient le lit de leur parent, et 3 d'entre eux sont morts d'asphyxie, la cause du décès n'ayant pas été déterminée pour 20 d'entre eux. Le fait que le partage du lit parental soit considéré comme facteur de risque, principalement aux Etats-Unis (voir plus de précisions sur les études antérieures ici), a conduit les enquêteurs à recueillir des informations sur le partage du lit, même si elles ne sont pas forcément complètes. Le fait qu'on ne connaisse pas la prévalence du partage du lit dans la population française ne permet pas de conclure sur le fait que le partage du lit soit un facteur de risque en soi : au Japon, l'augmentation du partage du lit n'a pas augmenté la MSN...

Les messages alarmistes des médias, tels que "Pour un nourrisson, dormir dans le lit des parents est un facteur de risque indéniable." (docteur Élisabeth Briand-Huchet, La Croix) ou "Il ne doit pas dormir dans un lit adulte [...], a fortiori avec ses parents." (Nouvel Observateur) ne sont pas issus de cette étude mais de l'a-priori qui perdure depuis les études (contestables et contestées) antérieures. Ils sont donnés sans aucune nuance, contribuant à culpabiliser les parents épuisés qui trouvent dans le sommeil partagé un moyen de trouver un équilibre entre leurs besoins et ceux de leurs enfants. À ceux-là l'opprobe générale et la culpabilisation en cas d'accident. Dans le même temps de nombreuses études, dont celles-ci, indiquent l'importance de l'allaitement dans la prévention de la MSN. Or, allaiter un enfant doit se faire le plus simplement possible, et de nombreuses femmes ayant allaité témoignent de nuits plus sereines quand le nourrisson est à proximité de leur sein.

Je conseille donc aux parents désirant dormir avec leur enfant de suivre les recommandations édictées ici http://cododo.free.fr/pratique/securite.htm. En particulier, les principales à retenir sont les suivantes :
  •  Avant un an le bébé devrait dormir dans la chambre des parents et être allaité
  •  Le bébé doit être posé sur le dos, ne pas être recouvert par des couvertures ou couettes.
  •  Si le bébé dort dans un lit d’adulte, celui-ci doit être parfaitement sécurisé : matelas adapté, chute et coincement rendus impossible.
  •  Les adultes qui dorment dans le même lit qu’un bébé ne doivent pas fumer ni consommer de substances susceptibles de diminuer leur vigilance (alcool, hallucinogènes, certains médicaments).
Rien de nouveau dans cette nouvelle étude ne permet de dire que le lit partagé est plus dangereux que le lit solitaire quand toutes les règles de sécurité sont repectées.

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