mercredi 16 novembre 2011

Dix raisons de ne pas frapper vos enfants

De Jan Hunt, traduit de l’anglais au français par Stéphanie Boudaille-Lorin
Source : Parents Autrement




Frapper un enfant est souvent considéré comme une méthode normale d’éducation. Voici dix raisons de ne pas le faire.


Au cours des dernières années, de nombreux psychiatres, chercheurs en sociologie et parents ont demandé que l’on réfléchisse sérieusement à interdire les châtiments corporels aux enfants. Selon le Docteur Peter Newell, coordinateur de l’association EPOCH [1] (End Punishment of Children, ou Mettez un terme aux punitions des enfants), la raison la plus importante pour cette interdiction est que « tous les êtres humains ont le droit à ce que l’on protège leur intégrité physique, et les enfants sont aussi des êtres humains » [2].

1. Frapper les enfants leur apprend à frapper. De nombreuses études sont désormais disponibles et étayent la théorie selon laquelle on trouve une corrélation directe entre les châtiments corporels dans l’enfance et un comportement agressif ou violent en tant qu’adolescent ou adulte. Il n’est pas un seul dangereux criminel qui n’ait été régulièrement menacé et frappé en tant qu’enfant. La nature a prévu que les enfants apprennent attitudes et comportements par le biais de l’observation et de l’imitation des actions de leurs parents, pour le meilleur ou pour le pire. Il est donc de la responsabilité des parents d’être un exemple d’empathie et de sagesse.

2. Dans bien des cas de ce que l’on appelle un « mauvais comportement », l’enfant ne fait que répondre de la seule manière qu’il connaisse, selon son âge et son expérience, pour signaler que ses besoins de base ne sont pas assouvis. Parmi ses besoins, on trouve : un sommeil et une nourriture appropriés, le traitement d’allergies parfois cachées, de l’air frais, de l’exercice et assez de liberté pour pouvoir explorer le monde autour de lui. Dans notre société toujours si pressée, peu d’enfants reçoivent assez de temps et d’attention de la part de leurs parents, qui sont souvent trop distraits par leurs propres problèmes pour traiter leurs enfants avec patience et empathie. Il est sûrement mauvais et injuste de punir un enfant parce qu’il répond d’une manière naturelle à la sensation d’un besoin important qui est négligé. Pour cette raison, la punition n’est pas seulement inefficace à long terme, elle est également injuste.

3. Le châtiment empêche l’enfant d’apprendre à résoudre un conflit d’une manière efficace et sensible. Comme l’éducateur John Holt l’a écrit : « Lorsque nous effrayons un enfant, nous l’empêchons tout net d’apprendre ». Un enfant frappé est concentré sur son sentiment de colère et ses fantasmes de revanche. Il est ainsi privé de l’opportunité d’apprendre des méthodes plus efficaces pour résoudre le problème auquel il fait face. Ainsi, un enfant frappé apprend très peu de la manière dont il doit, à l’avenir, réagir face à des situations similaires, ou comment éviter ces situations.

4. Le proverbe « Qui aime bien châtie bien », bien que souvent cité, vient en fait d’une mauvaise interprétation de l’enseignement de la Bible. Bien que le châtiment soit mentionné plusieurs fois dans la Bible, ce n’est que dans le Livre des Proverbes que ce mot est utilisé concernant le parentage. Le Livre des Proverbes est attribué à Salomon, un homme extrêmement cruel, dont les méthodes très dures de discipline ont fait que son fils, Rehoboam, est devenu un dictateur tyrannique et oppressif, qui a échappé de peu à la mort par lapidation à cause de sa cruauté. Dans le Bible, on ne trouve rien qui étaye une discipline dure en dehors des Proverbes de Salomon. En revanche, les Evangiles, les plus importants des livres pour les Chrétiens, contiennent l’enseignement de Jésus, qui incite à la pitié, au pardon, à l’humilité et à la non-violence. Jésus voyait les enfants comme étant proches de Dieu et a exhorté à l’amour, et non pas au châtiment. [3]

5. Les châtiments interfèrent avec le lien noué entre le parent et l’enfant, car il n’est pas dans la nature humaine de se sentir plein d’amour envers quelqu’un qui nous fait du mal. Le véritable esprit de coopération, auquel chaque parent aspire, ne peut se développer qu’à travers un lien très fort, basé sur des sentiments mutuels d’amour et de respect. Le châtiment, même lorsqu’il semble fonctionner, ne peut produire qu’un comportement bon en apparence, car celui-ci est basé sur la peur, ce qui ne peut arriver que lorsque l’enfant est assez âgé pour résister. Par contre, la coopération basée sur le respect sera instaurée pour de bon, et sera à l’origine de nombreuses années d’un bonheur mutuel tandis que l’enfant et son parent vivront ensemble.

6. De nombreux parents n’ont jamais appris, au cours de leur propre enfance, qu’il existe des manières positives de nouer une relation avec les enfants. Lorsque le châtiment ne permet pas d’obtenir les buts poursuivis, si le parent ne connaît pas de méthodes alternatives, il y a un risque d’escalade vers des châtiments de plus en plus fréquents et des actions dangereuses à l’encontre de l’enfant.

7. La colère et la frustration, lorsqu’elles ne peuvent être exprimées sans risque par un enfant, restent en lui ; les adolescents en colère ne surgissent pas de nulle part. La colère qui s’est accumulée pendant des années peut causer un choc aux parents dont l’enfant se sent à présent assez fort pour exprimer sa rage. Le châtiment peut permettre d’obtenir un « bon comportement » les premières années, mais ce sera toujours au prix fort, payé par les parents et par la société tout entière, lorsque l’enfant atteindra l’adolescence, puis l’âge adulte.

8. La fessée sur les fesses, zone érogène pour l’enfant, peut créer dans l’esprit de celui-ci une association entre la douleur et le plaisir sexuel, et lui créer des difficultés à l’âge adulte. Les petites annonces « recherche fessée » dans les magazines spécialisés attestent des tristes conséquences de cette confusion entre douleur et plaisir. Si un enfant reçoit peu d’attention de la part de ses parents, sauf lorsqu’il est frappé, il risque de confondre davantage encore les concepts de douleur et de plaisir. Cet enfant aura peu de confiance en lui et croira qu’il ne mérite pas mieux. Pour en savoir plus à ce sujet, vous pouvez lire Les Dangers sexuels de la fessée.
Même une fessée relativement modérée peut être physiquement dangereuse. Les coups infligés sur l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale envoient des ondes de choc le long de la colonne, et peuvent blesser l’enfant. La prépondérance des douleurs dans les reins chez les adultes de notre société pourrait bien trouver ses paralysés, les fessées ayant occasionné des dégâts nerveux ; certains sont même décédés après des coups modérés, suite à des complications médicales qui n’ont pas été diagnostiquées.

9. Le châtiment corporel transmet le message à la fois dangereux et injuste que « la force fait loi », et qu’il est acceptable de frapper quelqu’un, tant qu’il est plus petit et plus faible que soi. L’enfant conclut alors qu’il est possible de maltraiter les enfants plus jeunes ou plus petits. Lorsqu’il deviendra adulte, il ressentira peu de compassion pour ceux qui auront eu moins de chance que lui, et craindra ceux qui seront plus puissants. Cela va donc entraver la création de relations significatives qui sont si essentielles à une vie bien remplie en termes d’émotions.

10. Parce que les enfants apprennent à travers les modèles que représentent leurs parents, le châtiment corporel transmet le message que frapper est une manière appropriée d’exprimer ses sentiments et de résoudre des problèmes. Si un enfant n’a pas l’occasion d’observer ses parents résoudre des problèmes d’une manière créative et sensible, il peut lui être difficile d’apprendre à le faire lui-même. Pour cette raison, il reproduira souvent ce type de parentage incompétent sur la génération suivante. Une éducation douce, soutenue par une forte fondation d’amour et de respect, est la seule véritable manière d’obtenir un comportement recommandable, basé sur de puissantes valeurs personnelles, plutôt qu’un « bon » comportement superficiel, basé uniquement sur la peur.

Note : Une version précédente de cet article a été publiée dans l’Annexe D du livre Abattre le mur du silence, d’Alice Miller (Paris : Aubier Montaigne, 1992)

Références en français :

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