jeudi 23 décembre 2010

Les néonaticides en France

Source : Pour La Science


Les néonaticides en France

Une première étude révèle que le nombre des infanticides de nouveau-nés en France est sous-estimé dans les statistiques officielles.
Bénédicte Salthun-Lassalle
La mort de très jeunes nourrissons défraie parfois la chronique, quand des années après le crime, on découvre leur corps au fond d'un jardin ou dans un congélateur. On parle de néonaticide lorsque l'enfant est âgé de moins d'une journée lors de son décès. Ces infanticides sont d'ailleurs souvent associés au déni de grossesse, à savoir que la mère n'a pas conscience d'être enceinte. Mais combien de nourrissons sont concernés chaque année ? Pourquoi les mères agissent-elle ainsi ? Anne Tursz et Jon Cook, du Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale et société (Unité INSERM 988), révèlent les premières données françaises sur les néonaticides.
Les chercheurs ont analysé les dossiers judiciaires de trois régions françaises entre 1996 et 2000 (la Bretagne, l'Ile-de-France et le Nord-Pas de Calais, qui représentent plus d'un tiers des naissances françaises pendant cette période), et ont recueilli les données correspondants aux décès des nouveau-nés, ainsi que les caractéristiques sociales et psychologiques des mères auteurs des néonaticides. Dans les statistiques officielles de mortalité (établies par l'INSERM à partir des certificats de décès), les néonaticides concerneraient 0,39 naissance sur 100 000. Les chercheurs rapportent quant à eux 2,1 néonaticides sur 100 000 naissances, soit 5,4 fois plus.
Les chercheurs ont étudié en détail les dossiers des 27 cas de néonaticides dans ces trois régions, pour dresser un profil des mères. Elles avaient en moyenne 26 ans, vivaient souvent en couple, et le tiers d'entre elles avaient déjà trois enfants. Elles avaient une activité professionnelle semblable à celle des femmes de la population générale. Elles n'étaient pas mentalement malades. En revanche, elles avaient peu confiance en elles, présentaient des carences affectives, une forte dépendance à l'autre, voire une peur de l'abandon. Elles n'utilisaient pas de contraception, cachaient leur grossesse à leur famille et à leurs proches et ne se faisaient pas suivre par un médecin. Elles accouchaient souvent seules. Mais aucun déni de grossesse n'a été enregistré.
Peut-on identifier les femmes vulnérables avant leur grossesse ? Outre le fait qu'aucune femme n'avait recours à la contraception, il semble difficile de dresser un profil des femmes qui auraient besoin d'aide. Toutefois, contrairement à ce qui est généralement admis et qui sert souvent de base de travail dans les centres d'action sociale aujourd'hui, les femmes ne sont pas forcément très jeunes, pauvres, seules, sans emploi ou en déni de grossesse. Reste à obtenir davantage de données pour identifier et aider les femmes vulnérables et éviter ce genre de drames.

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