A : Mme la Présidente du Conseil national de l'ordre des sages-femmes
56 rue Vouillé
75015 PARIS
-Copie à l'Afar, membre du Collectif inter-associatif autour de la naissance (Ciane).
Madame,
Ayant eu la chance de pouvoir vivre un accouchement à domicile pour mes deux enfants, j'ai récemment emménagé dans un département où aucune sage-femme ne pratique de suivi global et d'accouchement à domicile.
Aujourd'hui, je suis en réflexion pour avoir un troisième enfant.
Je ne souhaite pas priver ce bébé de la chance dont ont pu bénéficier ses frères en naissant à domicile.
Je ne souhaite pas vivre un accouchement en structure hospitalière, dans la mesure où ma grossesse serait physiologique. Je ne conçois pas vraiment l'utilité d'aller en maternité pour cet événement naturel qui consiste à donner la vie. Je ne souhaite pas pour cet événement important me retrouver dans des lieux inconnus et anxiogènes. Je pense qu'il n'est souhaitable ni pour moi ni pour mon bébé que ce soit des personnes inconnues qui assistent à cet événement, qui prennent des décisions sans rien connaître ni de moi ni de mon enfant. Je ne souhaite pas avoir à me battre contre des protocoles fait pour des grossesses pathologiques.
Je souhaite au contraire pouvoir avoir le choix de la personne qui m'accompagnera dans ces moments. Je souhaite qu'elle ait pu me suivre tout au long de ma grossesse afin qu'une relation de confiance ait pu s'instaurer entre nous. Je souhaite donner la vie au sein de mon foyer, avoir le choix de la présence ou non des aînés. Je souhaite ne pas avoir besoin de me déplacer, en dehors d'une pathologie avérée, au cours du travail. Je souhaite que mon conjoint, comme dans les autres naissances, puisse avoir une place d'acteur et non de spectateur. Je souhaite pouvoir me sentir en sécurité, ce que je ne conçois qu'au sein de mon foyer. Je souhaite que mon enfant vienne au monde dans des conditions de confort et de respect optimales pour adoucir le traumatisme qu'est en soi la naissance.
Aujourd'hui, je sais que si un bébé s'installe dans mon ventre, je ne pourrai pas l'accueillir sereinement au sein de mon foyer, avec la sécurité que donne la présence d'une sage-femme expérimentée et qui m'aura suivie pendant neuf mois à mes côtés. Tout simplement parce que là où je vis, ce choix n'existe pas.
Est-il normal qu'en France, dans un pays dit civilisé et moderne, les femmes ne puissent pas partout accéder au choix de mettre leur enfant au monde dans un lieu intime et chaleureux, sécurisé par la présence d'une sage-femme ? Pourquoi ce qui se fait un peu partout dans le monde, et même chez nos proches voisins européens, serait interdit aux françaises qui habitent certains départements ? Où est l'égalité de l'accès aux soins ?
Serai-je contrainte, par défaut, à accoucher seule, au détriment de la sécurité procurée par la présence d'une sage-femme ?
Serai-je contrainte de faire des centaines de kilomètres, à quelques jours du terme, pour me rapprocher d'une sage-femme pratiquant les accouchements dans un lieu plus intime qu'une maternité ?
Serai-je contrainte, contre ma volonté, à accoucher en maternité, ôtant toutes mes chances de vivre un accouchement dans de bonnes conditions, au vue de ma phobie des hôpitaux ?
Serai-je contrainte... à ne pas faire de troisième enfant, tant que je ne suis pas sûre qu'il pourra bénéficier des meilleures conditions pour sa naissance ?
Voilà les « choix » auxquels nous sommes réduits mon conjoint et moi... Bien entendu, aucun n'est en soi satisfaisant.
Les sage-femmes libérales sont à même de réaliser tout un suivi de grossesse, quel dommage que seulement certaines, qui de plus ne sont pas assurées pour ça, puissent assurer une continuité en pratiquant également l'accouchement !
Je vous demande donc de faire le nécessaire pour que le plus tôt possible, dans chaque département français, les femmes puissent bénéficier d'un accompagnement global et d'un accouchement à domicile par des sage-femmes libérales. Je vous demande que le problème d'assurance des sage-femmes qui souhaitent aller jusqu'au coeur de leurs compétences soit résolu. Je vous demande de ne plus ignorer le souhait des femmes, des couples, qui comme nous, ressentent le besoin de donner naissance à leur enfant de la manière la plus simple et la plus sécurisée qui soit : au sein de leur foyer, accompagnés par une professionnelle de la naissance.
Dans l'attente non d'une réponse mais d'actes de votre part, je vous prie d'agréer, Madame, mes sincères salutations.
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