mercredi 15 juin 2011

Nous sommes des chasseurs-cueilleurs en cravate et robe du soir!

Source : Blog Mon Petit Journal

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Quelle photo sublime vous ne trouvez pas? toute la tendresse, le calme et la douceur du monde... Note: les photos sont du très beau diaporama de plus de 200 photos de bébés portés partout au monde à voir absolument! www.portersonenfant.fr/portagemonde.html et www.flickr.com/photos/haabet/
Je viens de finir le texte de Pierre Lévesque. http://www.groupemaman.org/docs/levesque.pdf . Ce que j'ai adoré c'est le côté anthropologique et biologique de son récit. Je vous ai concoté ici un résumé mais je vous invite de tout coeur à le lire au complet. Ce texte me touche et m'interpele car il parle de nos origines, de notre côté tribal. Pascal me reproche souvent mon anachronisme: parfois je voudrais vivre à l'époque de l'homme des cavernes, or nous sommes en 2010... OUI, il m'arrive de rêver à faire partie d'un clan et de regretter de vivre dans une ville où se cotoient sans se connaître vraiment 1.5 millions d'étrangers. Le résumé qui suit parle d'une autre réalité, d'une autre époque qui ne reviendra jamais MAIS je trouve qu'on peut tout de même s'en inspirer! Savoir d'où nous venons aide à mieux saisir les besoins de nos bébés, ces besoins qui, eux, n'ont pas changés depuis l'éternité...
Oui oui, vous avez bien lu le titre de ce post... Nous sommes des chasseurs-cueilleurs en cravate et en robe du soir. Nous avons vécu 99.6% de notre histoire en totale communion avec la nature (même si, scandaleusement, cette période n'est quasi pas étudiée à l'école). Pendant 1.8 millions d'années, l'homme vit en petites communautés, au sein de la nature, se nourrissant de ce qu'il chasse, pêche et cueille... Sans cultiver, sans domestiquer des animaux, sans faire de réserves... La solidarité au sein du groupe est essentielle à la survie de chaque individu: toute la nourriture est partagée. La propriété individuelle est limitée en absence de stockage et cette absence de droits exclusifs sur les biens et les ressources fait en sorte que les conflits sont rares. Tout surplus s'avère encombrant dans un mode de vie où la mobilité constitue un fait vital.
Si l'on prend une corde où 1 cm = 1 an, nous aurions une succession de générations de chasseurs-cueilleurs entre 20 Km et 100m de nous! C’est au cours de ces "19.9 Km" que les grandes caractéristiques de notre espèce ont été biologiquement définies par la nature. 
À peine quatre cents générations nous séparent des débuts de l’agriculture (il y a 20 000 ans) qui représente un changement complet de l'organisation de la vie des hommes. L'agriculture apporte avec elle la propriété privée, l’accumulation de la richesse dans les mains d’une minorité et les inégalités, les religions monothéistes, la surpopulation, les grandes épidémies, les guerres... la civilisation. Avec l'agriculture, on ne vit plus en symbiose avec la nature; on tente de la dominer ... et aujourd'hui, où est la nature... presqu'éliminée?!
Nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais nous devons garder en tête l’importance pour notre équilibre de cette longue période du Paléolithique et du mode de vie de chasseurs-cueilleurs... Ces 100 derniers mètres sur l'échelle du temps, ces 20 000 dernières années sont une période bien trop brève pour permettre une modification substantielle du génome d’une espèce complexe comme la nôtre.
Tout comme le poumon du foetus attend l’air sans l’avoir encore respiré, tout comme l’oeil est prédisposé à s’imprégner de lumière, le cerveau du nouveau-né s’attend à recevoir la gamme des stimuli prévus a priori par la sélection naturelle, se produisant de manière prévisible, au sein d’un environnement spécifique d’espèce. Cette gamme de stimuli est nécessaire à la construction harmonieuse du cerveau inachevé du bébé.
Eh oui, la nature est tellement ingénieuse qu'elle laisse à la vie le soin de poursuivre après la naissance la construction définitive du cerveau de chacun. Nous avons tous 3 cerveaux ! Ces 3 cerveaux superposés sont apparus l'un après l'autre au cours de l'évolution des vertébrés et, fait très intéressant, ils se dévellopent en nous dans le même ordre :
- le cerveau reptilien (le tronc cérébral) qui s’occupe de la vie végétative correspond à l'être biologique en nous dont les besoins essentiels à la survie doivent être comblés. La maturation du tronc cérébral est quasi complétée à la naissance.
- le cerveau paléomammalien (le système limbique) qui s’intéresse à la vie émotionnelle et aux relations avec autrui; c'est notre être social. Cette partie du cerveau s'organise au cours des 6 premières années de la vie avec un pic d'activité de 6 mois à 3 ans. D'où l’extrême importance de la petite enfance sur la maturation et l’acquisition des compétences émotionnelles et sociales. Passé cette période, le retour en arrière est presque impossible car le système limbique est peu plastique. 
- le cerveau néomammalien (le néo-cortex) responsable de la conscience; c'est l'être spirituel. C'est la structure la plus récemment acquise dans l’évolution et elle demeure malléable à l’infini de sorte qu’il nous est toujours possible d’apprendre.
Lorsqu'on regarde un nouveau-né, on se demande toujours ce qui peut bien se passer dans sa petite tête... Sachez que le cerveau est un organe extraordinairement actif au cours des premières années de la vie. À la naissance, le poids du cerveau humain ne représente que le quart de celui de l’adulte. Ce taux est respectivement de 50% pour le chimpanzé et 75% pour le cheval. Il faudra attendre 3 ans pour que le cerveau du bébé humain atteigne 70% de sa taille adulte! Le cerveau du bébé double de poids au cours des 18 premiers mois de la vie ; il lui faudra 14 autres années pour en refaire autant avant d’atteindre sa taille définitive vers l’âge de quinze ans.
Le cerveau est un organe extrêmement énergivore. Alors qu’il ne compte que pour 2% du poids du corps, il consomme 20% de calories chez l’adulte, mais imaginez que chez le nourrisson, le cerveau brûle à lui seul entre 60 et 70% de tous les apports énergétiques tandis qu’il ne représente que 10% du poids corporel
Maintenant, accrochez votre tuque ce qui s'en vient est extraordinaire: De la naissance jusqu’à l’âge de 3 ans, il y a une explosion d'établissement de connexions synaptiques (inter-neurones) de sorte qu'a 3 ans, la consommation en énergie du cortex est 2 fois plus élevée que celle de l'adulte! Puis débute une phase de maturation des voies neuronales sous l’effet de l’expérience. C'est là que commence l’élagage synaptique et l’apoptose (mort cellulaire programmée). Les interactions entre l’individu et l’environnement déterminent lesquels parmi tous les synapses mis en place au hasard seront conservés. Toute cellule ou connexion inutilisée est détruite à jamais. « Use it or lose it. » Apprendre, c'est éliminer! C'est évident pour le language: les phonèmes (sons) jamais entendus au cours de l'enfance seront éliminés et il sera impossible pour un adulte de les reproduire sans accent.
Le cerveau humain est donc extraordinairement souple. Mais tout est-il permis ? Non. Il semble exister un certain ordre dans le processus de maturation du cerveau. Il y a des périodes critiques ou des fenêtres de possibilité et des expériences obligatoires. Si certains événements essentiels ne se produisent pas au cours d’une période bien définie, un déficit de fonction peut s’établir et prendre un caractère permanent.
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Plusieurs éléments de la puériculutre des chasseurs-cueilleurs ont été constants à travers l'espace et le temps; c'est-à-dire répétés pendant des millions d'années, partout sur la planète sans que ces différents groupes soient en communication. Ces constantes sont la façon "naturelle" et "attendue" d'élever un enfant depuis la nuit des temps... et c'est CELA qui nous intéresse car on peut tenter de s'en approcher même aujourd'hui, à Montréal ou à Tokyo!
1.  La grande PROXIMITÉ parents-enfants et tout particulièrement le lien qui unit la mère à son bébé.
Cette proximité est un trait évolutionniste de l’être humain qui prend ses racines profondément dans l’ordre des primates. "Les nourrissons Aché passent leur première année de vie en proximité étroite avec leur mère, tétant à volonté et dormant la nuit dans la même couche qu’elle. Les bébés passent environ 93% de leurs activités diurnes en contact tactile avec l'un des parents".
Certains craignent que cette grande et intense proximité parents-enfants ne se traduise par une plus grande dépendance et une altération de capacités de détachement chez les enfants. En fait, c’est le contraire qui se produit. Les enfants qui ont connu une proximité conforme à la norme biologique ont, en plus de manifester de meilleurs habiletés sociales, une plus grande autonomie et un développement psychomoteur et cognitif plus précoce que les enfants répondant au modèle occidental.
2.  L'ALLAITEMENT MATERNEL est intense et prolongé
Nous l'oublions souvent: nous sommes des mammifères et le lait est un alicament conçu spécifiquement pour les besoins de chaque espèce. De nos jours, les seins sont plus un objet érotique qu'une façon de nourrir un enfant et il est plus convenable qu'un enfant de 2 ans boive du lait d'un ruminant que celui de sa mère!
Chez les Bochimans du Kalahari, les femmes donnent le sein à leurs bébés en moyenne 4 fois l’heure pendant quelques minutes à la fois, et elles passent la nuit en sommeil conjoint avec leurs enfants. Elles maintiennent ce rythme pendant les 18 à 24 premiers mois et elles allaitent chaque enfant pendant une période de 3 à 4 ans au total. Chez-nous, la norme veut que les enfants aient besoin de téter entre 8 à 12 fois par jour. Les enfants bochimans seraient-ils différents des nôtres ? Et puis, d’où vient cette norme ? Il semble que la grande proximité mère-enfant chez les chasseurs-cueilleurs contribue à ce patron d’allaitement naturel puisqu’on retrouve exactement le même chez les grands singes.
3.  Le PORTAGE comme héritage de la vie arboricole
Le portage des bébés démunis au début de leur existence est une constante de la vie chez les primates. Il n’est donc pas surprenant de constater que les chasseurs-cueilleurs portent systématiquement leurs bébés ; le plus souvent sur la hanche. Cette position de portage possède plusieurs particularités :
* L’enfant voit ce que sa mère voit. Il partage ainsi la même vision des objets et de son monde social et perçoit ses réactions.
* Le bébé a un accès constant aux seins, qui sont nus, de sorte qu'il peut y boire de façon autonome.
* L’enfant a un accès aux bijoux et autres objets décoratifs utilisés par sa mère avec lesquels on lui permet de jouer à sa guise.
4.  L’Unité mèrenfant est intimement et fortement INTÉGRÉE à la communauté où elle est considérée comme une personne physique réelle, insécable.
Il existe chez les chasseurs-cueilleurs une entité essentielle virtuellement inconnue dans nos sociétés : l’Unité mèrenfant. Il ne viendrait jamais à l’idée chez ces populations de séparer la mère de son jeune enfant. L’un et l’autre sont perçus comme une extension physique du corps et de la personnalité de l’autre. Une séparation est vécue comme une amputation. Par ailleurs, l'enfant est présent à tous les moments et à tous les endroits de la vie communautaire, il n'est pas isolé hors de la réalité des adultes comme c'est le cas chez nous lorsque les enfants sont placés en garderie. Chez les chasseurs-cueilleurs, l’enfant vit en symbiose avec sa mère jusque vers l’âge de 3 ans, puis il passe d’un fort attachement maternel à une forte identification envers un groupe d’enfants d’âges variés.
Penser que l’être humain est adaptable à l’infini relève de la pensée magique. En médecine, on apprend tôt qu’on ne peut transgresser impunément la physiologie sans qu’il y ait de risque pour la santé. La lubie actuelle est à la résilience qui est devenue un terme à la mode, mais l’apparente universalité de son application est un dangereux mirage. Tous les enfants ne se tirent pas indemnes d’une prise en charge précoce qui s’éloigne de manière significative du modèle originel. Le bébé de maintenant étant identique au bébé d’autrefois, il s’attend toujours à une prise en charge spécifique d’espèce développée dans l’univers des chasseurs-cueilleurs. Malgré le mode de vie actuel qui fait fi de la nature, il n’y a toujours rien de moderne dans un bébé. Les besoins fondamentaux des bébés naissants sont les mêmes aujourd’hui qu’ils l’étaient au Paléolithique. Comme c’est le cas chez tous les grands primates anthropoïdes dont il fait partie, la destinée du bébé humain est d’être porté, d’être en étroit contact avec le corps maternel, d’être nourri au sein pendant des années et d’être intégré dans sa communauté. Comme héritier de ces constantes d’espèce, le bébé humain s’attend toujours à ces « a priori ». L’optimisation de son développement en dépend.
Les parents d’aujourd’hui doivent retrouver le parent instinctif toujours présent en eux. Ils doivent se faire confiance. Tout ce qui heurte leur susceptibilité de parents doit leur être a priori suspect et soumis au fardeau de la preuve. Dans leur quête, ils seront aidés par le véritable expert qui ne leur fera pas défaut : le bébé lui-même. Fort de la continuité de l’Histoire, fort de ses compétences acquises au cours de la longue évolution de notre espèce, leur bébé sera leur guide.
Pour en savoir plus, lire aussi ce texte intéressant: "Au commencement était la peau"."

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