Nathanael Johnson, California Watch
Source : Pregnancy-related death rate on the rise, California Watch
http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?f=/c/a/2010/02/03/MNER1BRFT4.DTL
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Wednesday, February 3, 2010
Au cours des dix dernières années, le taux de mortalité lié a la grossesse chez les femmes californiennes a presque triplé. Ce constat a incité les médecins à s’inquiéter des dangers de l’obésité chez les femmes enceintes, ainsi que des complications médicales liées aux accouchements par césarienne.
Le State Department of Public Health (ministère de la santé Americain) refuse depuis plusieurs mois de publier un rapport qui souligne cette tendance.
California Watch (Groupe de journalistes indépendants), après avoir communiqué avec les rédacteurs du rapport, a confirmé qu’il s’agit de la plus forte augmentation de décès liés a la grossesse depuis les années 30. Bien que le nombre de décès soit relativement faible, le taux californien est plus élevé que celui du Koweit ou de la Bosnie.
"Le problème vient de la rapidité de la hausse du nombre de décès", commente Debra Bingham, directrice exécutive de California Maternal Quality Care Collaborative, l’organisme semi-privé qui enquête sur ce problème en Californie.
Le problème se retrouve sans doute dans tous les Etats. Le 26 janvier, la Joint Commission, groupe leader d’accréditation et de standards pour la santé aux Etats-Unis, a publié un message d’alerte en direction des hôpitaux : "Malheureusement, la tendance actuelle et les données chiffrées montrent que le taux de mortalité maternelle est en augmentation."
Afin d’améliorer la qualité des soins, le conseiller a demandé aux médecins de considérer l’obésité morbide, l’hypertension et le diabète ansi que les hémorragies liées aux césariennes comme facteurs contribuant au nombre de décès.
En 2007, les centres de contrôle et de prévention des maladies (Centers for Disease Control an Prevention) ont demontré que l’augmentation du taux de mortalité maternelle était réel. Mais certains experts comme le Dr Jeffrey King, qui conduit une étude spéciale sur le taux de mortalité maternelle pour l'American College of Obstetricicians and Gynecologists (Collège des Obstétriciens et gynécologues américains), ont imputé cette tendance à une comptabilisation différente du nombre de décès. Il n’a toujours pas changé d’avis.
"Je serais étonné qu’il y ait une augmentation significative du nombre de décès maternels", affirme le Dr. King sans avoir lu le rapport.
Mais Shabblir Ahmad, un scientifique du California’s Department of Public Health (Ministère de la santé de la Californie) a décidé d’y regarder de plus près.
En 2006 il a rassemblé des universitaires, des chercheurs (qui travaillent dans le public) et des hôpitaux afin de mener une revue systématique de chaque décès maternel survenu en Californie entre 2002 et 2006. Il s’agit de la plus large étude jamais conduite en Californie. Les premières données du groupe d’étude apportent la preuve d’une réelle augmentation des décès et non d’une simple augmentation des chiffres recueillis.
Les risques liés à une population changeante — mères obèses, âgées, ou femmes bénéficiant de traitements pour la fertilité — ne peuvent pas à eux seuls expliquer la hausse des décès maternels en Californie, affirme le Dr Elliot Main, principal enquêteur du groupe de recherche.
"Ceux que j’appelle les premiers suspects se trouvent certainement parmi ces facteurs", dit-il. "Cependant, lorsque nous les rapprochons avec les données analysées jusqu’ici, ils ne comptent que pour une faible proportion de l’augmentation des décès."
Augmentation du nombre de césariennes
Le Dr. Main affirme que les scientifiques commencent à se demander ce qui a changé dans les pratiques des médecins. Il ajoute qu'il est difficle d'ignorer le fait que le nombre de césariennes a augmenté de 50% dans la même décennie que l'augmentation de la mortalité maternelle.
Le groupe d’étude révèle qu’une modification des pratiques médicales pourrait reduire significativement le nombre de décès.
Malgré l’augmentation du taux de décès, la grossesse reste un événement qui, pour l’immense majorité des femmes, ne présente pas de risque majeur.
En 2006, 95 femmes californiennes sont décédées des suites directes de leur grossesse pour 500 000 naissances vivantes. Selon les standards de santé publique, c’est un chiffre très bas. Mais, si la Californie avait atteint l’objectif fixé par le US Department of Health and Human Services (Ministère de la Santé Americain) visant à faire diminuer le taux de mortalité maternelle de l’Etat pour le porter au niveau atteint par d’autres pays, le nombre de morts aurait dû se rapprocher de 28.
Nous ne savons pas exactement quelles sont les mères les plus à risque, mais les chercheurs savent depuis longtemps que les mères américaines d’origine africaine ont trois ou quatre fois plus de risques de mourir de suites de leur grossesse. Cette association raciale n’est pas stratifiée par le statut socio-economique : les mères de couleur noire ayant de hauts revenus sont elles aussi plus à risque.
Alors que le taux de mortalité maternelle parmi les femmes noires est en augmentation, le groupe d’étude a révélé que la hausse la plus significative de décès se trouve chez les femmes blanches n’ayant pas d’origine hispanique.
Histoires vraies
Le décès maternel est un séisme pour les familles qui en sont victimes. Le chiffre brut de 95 décès represente 95 histoires singulières comme celle de Tatia Oden French. En 2001, elle venait de se marier et de finir son doctorat en psychologie. Elle s’apprêtait à mettre au monde une petite fille qu’elle appellerait Zorah Allie Mae French. "C’est le genre de personne qui illuminait de sa présence l’endroit ou elle arrivait", raconte sa mère, Maddy Oden.
Au cours du travail, Maddy Oden se trouvait chez elle et attendait un appel téléphonique lui annonçant la naissance de sa petite-fille. Au lieu de cela, sa fille allait devoir subir une césarienne d’urgence. "Je me suis réveillée à quatre heures du matin et j’ai su que quelque chose n’allait pas" dit Mme Oden.
Puis le téléphone a sonné. Mm French était en difficulté. De puissantes contractions avaient fait entrer du liquide amniotique dans son système sanguin, arrêtant son cœur et tuant son bébé. Quand Mme Oden a rejoint sa fille à l’hôpital, elle n’a plus eu qu’une chose à faire : "Nous avons prié", a dit Mme Oden, "et je lui ai fermé les yeux".
Le procès qui a fait suite à cette histoire a été abandonné : le médecin n’avait pas devié des pratiques de soins protocolaires.
Améliorer la situation
Plutôt que de chercher à identifer la cause précise de chaque décès, le groupe d’étude californien s’emploie à trouver des solutions. Bingham et Main se sont aperçus que les médecins et les infirmières, une fois confrontés aux chiffres, étaient prêts a leur prêter main forte.
En 1996, le taux de mortalité maternelle était de 5,6 pour 100 000 naissances vivantes, ce qui est proche de l’objectif national de 4,3 pour 100 000. Entre 1998 et 1999, l’Organisation Mondiale de la Santé a changé son système de codage et y a inclus des définitions [nouvelles] de la mortalité en obstétrique qui ont pu contribuer à l’augmentation du nombre de décès.* Le taux de décès en Californie était de 6,7 en 1998 et de 7,7 en 1999.
Le nombre de femmes qui meurent étant très faible, le taux de mortalité tend a varier d’une année sur l’autre.
En 2003, la Californie a introduit une nouvelle case à cocher sur les certificats de décès demandant si la femme avait été enceinte dans l’année précédant son décès. A partir de ce moment le taux est monté à 14,6. En 2006, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, le taux était de 16,9. Le taux sur l’ensemble du pays était de 13,3 pour 100 000 naissances vivantes.
Les estimations les plus favorables montrent que moins de 30% des décès sont attribuables à une meilleure comptabilisation liée au report dans les certificats de décès. Main affirme que, même après ajustement des chiffres en fonction d’une comptabilisation plus juste, le taux de mortalité maternel a plus que doublé entre 1996 et 2000.
En 2007, quand les chercheurs ont révélé les resultats initiaux de leur étude lors d’une conférence de l’American College of Obstetricians and Gynecologists (Collège des Obstétriciens et Gynécologues Américains), l’audience s’est montrée choquée, selon les dires des participants présents à San Diego pour cet événement.
Pour certains, l’idée que la Californie soit en régression alors qu’elle se situe dans l’ère de l’accouchement high-tech était impossible. Cette tendance a été confirmée par un rapport datant de 2008 et redigé par 27 médecins et chercheurs. Ce rapport a été transmis au California Watch (groupe de journalistes indépendants) et expliqué en détail.
Il reste encore à la Californie de rendre ce rapport public. Les chercheurs expliquent qu’après avoir lu le rapport en 2008, des membres du service public du départment de la santé ont demandé des précisions techniques. Les révisions ont pris fin et ont été approuvées au cours du premier semestre 2009, selon Ahmad.
Al Lunden, le directeur du Departement of Public Affairs (département des affaires publiques) a affirmé : "Il n’y a eu aucune volonté de retarder la parution de ce rapport. Il était juste nécesaire d’y apporter quelques modifications."
Passer à l’action
Le groupe de recherche californien n’a pas attendu de connaître la cause exacte de ces décès pour agir. Il est à l’origine d’un projet pilote qui vise à améliorer la façon dont les hôpitaux traitent les hémorragies du post-partum, à mieux suivre les femmes ayant des antécédants médicaux et à réduire le nombre de déclenchements.
Le docteur David Lagrew, pendant ce temps, pense avoir réussi à obtenir une réponse. En 2002, David Lagrew, le directeur médical du Women’s Hospital of Saddleback Memorial Medical Center (Hôpital pour femmes du centre médical de Saddleback Memorial) du comté d’Orange avait remarqué qu’un grand nombre de femmes subissaient un déclenchement avant terme sans raison médicale. Il savait qu’un déclenchement multipliait par deux les risques de césarienne.
Il a donc établi une règle : aucun déclenchement de convenance avant 41 semaines de grossesse sauf pour quelques rares exceptions. Conséquemment, affirme le Dr Lagrew, les agendas se sont allégés et l’hôpital a admis moins de bébés en service de soins intensifs, il y a eu moins d’hémorragies et moins d’hystérectomies.
Malgré tout, ces résultats n’ont pas été sans conséquence : l’hôpital a vu ses profits chuter à cause de la diminution du nombre d’interventions effectuées. Si Lagrew ne pense pas que les hôpitaux augmentent leurs taux de césariennes dans un but lucratif, il souligne que les premiers à avoir adopté des mesures pour diminuer le nombre de déclenchements de convenance ont été des organismes à but non lucratif.
En moyenne, un accouchement par césarienne rapporte deux fois plus qu’un accouchement par voie basse. Aujourd’hui, la césarienne est la procédure chirurgicale la plus répandue aux Etats-Unis.
Bien que la Californie n’ait pas rendu public le rapport de ce groupe d’étude, les chercheurs et les médecins impliqués ont envoyé leurs résultats à la National Joint Commission (Commission pour l’amélioration de la qualité des soins) qui récompense les hôpitaux qui réduisent les déclenchements et afin de combattre ce qu’elle appelle "l’épidemie de césariennes".
"Nul besoin d’être un expert de la santé publique pour savoir que nous sommes confrontés a un probleme majeur", dénonce Debra Bingham, la directrice exécutive du groupe de travail.
(*) Il s'agit du passage de la classification internationale des maladies (CIM) version 9 à version 10. Dans la version 10 sont comprises les "morts maternelles indirectes" survenues entre les 42 et 365 jours suivant l'accouchement. (Note du GT)
Traduit par Sophie Nguyen / Groupe de traduction du CIANE
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