Un enfant, si je veux, quand je veux. On connaît tous le slogan.
Certains, certaines, considère au même titre l'analgésie péridurale comme un droit. Et un devoir pour le corps médical de la fournir à toute femme qui la demande.
Aujourd'hui, après 50 ans de pilule contraceptive, on se rend compte qu'au delà d'une libération de la femme qu'elle a très certainement permise, existent des effets secondaires, qui ont des répercussions épidémiologique à l'échelle planétaire.
Je ferai bien le lien entre les deux. Les deux sont des médicaments. Leur banalisation a créé un phénomène de société, a même changé la société. Au nom du progrès que ces médicaments engendraient pour les femmes, on a eu tendance à occulter, sous-estimer leurs effets secondaires. Et aujourd'hui on commence à s'inquiéter de tous ces rejets de perturbateurs endocriniens dans notre environnement liés à la pilule contraceptive. Les femmes dont beaucoup n'avaient jamais vécu une vie adulte sans pilule se rendent compte à l'occasion d'un arrêt pour tomber enceinte combien parfois la pilule a joué sur leur libido, leur caractère, leurs émotions.
Pour la péridurale, c'est un peu la même chose. C'est considéré comme un tel progrès qu'il est mal vu de s'en passer quand on peut faire autrement. C'est devenu un acte d'héroïsme d'avoir dû faire sans pour des raisons X ou Y - et un acte d'inconscience d'avoir souhaité s'en passer - alors que la plupart des mères des femmes qui accouchent aujourd'hui, et toutes les femmes des générations précédentes, ont accouché sans. Ce progrès, ce "cadeau de la médecine aux femmes", fait que les effets secondaires sont minimisés, anecdotisés. Oui, la péridurale peut provoquer des paralysies, mais à un taux tellement infinitésimal... Oui, elle peut ne pas marcher, mais ça arrive tellement rarement...
En fait, le taux d'échec de l'analgésie péridurale est de 15 à 20%, en comptant les latéralisations (péridurale qui ne fonctionne que d'un côté du corps). Et le nombre de cas où elle n'est pas possible, soit parce qu'on possède un tatouage ou un grain de beauté au mauvais endroit, soit pour des raisons médicales, soit pour des raisons de protocole (non c'est trop tôt/trop tard), soit pour des raisons organisationnelles (l'anesthésiste est occupé), est rarement mentionné, ce qui fait que les femmes considérant que la péridurale est un dû se retrouvent fort dépourvues quand elle n'est pas au rendez-vous... et l'on assiste à des accouchements qui laisseront une empreinte négative et douloureuse très forte.
Mais les effets secondaires de la péridurales ne sont pas uniquement visibles chez les femmes. La banalisation de la péridurale fait qu'il arrive une génération d'enfants qui n'ont pas connu à leur arrivée sur terre ce pic d'ocytocine naturelle qui submerge les femmes à l'arrivée de leur enfant, lors d'un accouchement physiologique, nous dit Michel Odent. Quelles conséquences aura ce déficit de ce qu'on appelle l'hormone de l'amour sur cette génération, s'interroge-t-il ?
Par ailleurs, la péridurale, en plus d'être un bienfait pour les mères, fut une bénédiction pour comptables des maternités. Grâce à elle, on a pu faire des "usines à bébés", à haut rendement : plus de bébés à moindre frais. En effet, quel besoin d'accompagner une maman qui accouche par une sage-femme, puisqu'elle ne souffre plus ? De plus, on peut au gré des besoins du service accélérer ou retarder un accouchement à loisir grâce à l'ocytocine (de sinthèse celle-là). C'est ainsi que la péridurale est devenue une composante indispensable de la gestion de maternités, avec le monitoring et l'ocytocine. A tel point, que rares sont les sage-femmes formées à la gestion de la douleur autre que "on appelle l'anesthésiste !". Le soulagement de la douleur chez les femmes fait qu'elles se sentent délaissées et prises en charge de manière trop standardisée. Le taylorisme de la maternité est-il réellement un bien pour toute la société ?
L'accession systématique, ou l'illusion d'une accession systématique à l'analgésie péridurale n'a pas à être un droit. Ce qui est un droit, c'est le soulagement de la douleur quand il est demandé, et ce quelle qu'elle soit. Or, considérer un accouchement comme systématiquement très douloureux est une erreur : 10% des femmes ne ressentent pas de douleur à leur accouchement, et 10% des multipares (30% des primipares) seulement ressentent une douleur intolérable. Ce différentiel entre primi- et multipares pose d'ailleurs la question du lien entre peur de l'accouchement et douleur... Il existe d'autres moyens de soulager la douleur. Outre des techniques physiques (massages, bains chauds,vocalisation), des techniques médicales ou paramédicales (acupuncture, méthode bonapace, hypnose...), il peut exister aussi un accompagnement en amont, sur la reflexion de ce qu'est la naissance et la signification de la douleur.
En effet, contrairement à la douleur d'un membre cassé ou d'une douleur à l'appendicite par exemple, qui signalent un dysfonctionnement du corps, la douleur de l'accouchement a plusieurs particularités : elle est physiologique, elle est limitée dans le temps, elle est croissante en fonction du temps, elle est intermittente (environ une minute de contraction pour 5 minutes de repos), et nous l'avons vu plus haut, d'intensité variable suivant les accouchements. Partant de là, certaines femmes vont alors voir dans l'accouchement un effort physique, et considèreront la douleur de l'accouchement comme la douleur liée au travail physique nécessaire pour la venue au monde de leur enfant. Et pour peu qu'elles aient eu une bonne préparation, un bon accompagnement, comme l'alpiniste qui gravit l'Everest, et qui souffre pour le faire, elles arriveront au sommet, regarderont la vue, et se sentiront fières d'elles, fortes, invincibles... un bon départ pour une vie de mère, en somme.
Références :
"L'amour scientifié", Michel Odent
1 commentaire:
Malheureusement, plus rien ne prépare la femme à vivre un accouchement sans péri. Ce serait tellement mieux s'il y avait une vraie préparation puis une vraie gestion au moment de l'accouchement. A croire qu'on ne peut plus s'en passer maintenant. Et c'est tellement plus simple de gérer une femme sous péri!
Une maman contente d'avoir vécu son dernier accouchement debout sans péri, en colère contre le corps médical et qui voudrait bien militer pour une libération médicale de la parturiente tout en assurant une sécurité pour la mère et l'enfant
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