Source : http://www.mamancherie.ca/fr/info/douleurtravail.htm
La douleur durant le travail:
vos hormones sont là pour vous aider
traduction de l’article “Pain in Labour: Your Hormones are your Helpers”
© Dr Sarah J Buckley 2005 www.sarahjbuckley.com
Imaginez ceci: votre chatte est enceinte, due pour accoucher environ en même temps que vous. Votre valise est prête pour l’hôpital, et vous attendez les premiers signes du travail avec excitation et un peu de nervosité.
Entre temps votre chatte s’affaire à trouver un endroit tranquille – votre tiroir à chaussettes ou votre panier à linge – où elle ne sera pas dérangée. Lorsque vous l’apercevez, vous ouvrez la porte du garde robe, mais la voilà qui déménage encore. Intriguée, vous remarquez que votre observation, même votre présence, semblent déranger le processus. Et puis, même si vous aviez espéré avoir un avant-goût du mystère de la naissance avant que ce ne soit votre tour, à votre réveil le lendemain matin vous la trouvez en train de lécher ses quatre chatons dans la garde-robe.
Pourquoi la naissance semble-t-elle si facile pour nos amis les animaux alors qu’elle est si difficile pour nous? Une différence évidente est l’altération de la forme du bassin causée par notre démarche debout; nos bébés doivent se tourner et se contorsionner pour naviguer ces courbes uniques. Même nos plus proches cousins, les grands singes, ont un canal génital presque droit.
Toutefois, dans tous les autres sens, la naissance humaine est comme celle des autres animaux – ceux qui allaitent leur petits – et fait appel aux mêmes hormones : les messagers chimiques du corps. Ces hormones, qui proviennent des recoins les plus profonds et les plus vieux de notre cerveau, provoquent le processus du travail et de la naissance, en plus d’exercer une puissante influence sur nos émotions et comportements.
Les chercheurs comme le chirurgien et pionnier de l’accouchement naturel français Michel Odent croient que si l’on peut être plus respectueux de nos racines mammifères, et des hormones que nous partageons, nous aurons nous-mêmes plus de chances d’avoir une naissance simple.
Le travail et la naissance impliquent des hauts niveaux d’ocytocine, souvent appelée l’hormone de l’amour, ainsi que de prolactine, l’hormone de la maternité. Ces deux hormones sont peut-être mieux connues pour leur rôle dans l’allaitement maternel. En plus, la béta-endorphine, l’anti-douleur naturel du corps, ainsi que l’adrénaline et la noradrénaline (épinéphrine et norépinéphrine), associées au réflexe de combat et de fuite, jouent aussi un rôle important dans le processus de l’accouchement. Beaucoup d’autres influences hormonales sur la naissance restent encore à être mieux comprises.
Tous les mammifères recherchent un endroit sûr pour donner naissance. L’augmentation des niveaux de prolactine est probablement à l’origine de cet instinct de « faire son nid ». A cette étape, comme vous l’avez sûrement observé avec votre chatte, l’interférence avec le nid, ou encore avec le sentiment de sécurité, interrompra le début du travail.
Même une fois le travail amorcé, certaines conditions ralentiront ou arrêteront le processus. Si les hormones de combat et de fuite sont stimulées par des sentiments de peur ou de danger, le rythme des contractions ralentira. Nos corps de mammifères sont conçus pour accoucher dans la nature sauvage, où c’est un avantage de reporter le travail lorsqu’il y a danger, afin de pouvoir retrouver la sécurité.
Beaucoup de femmes ont connu l’expérience d’un travail qui s’arrête après l’arrivée dans le lieu étranger qu’est l’hôpital, et certaines femmes peuvent être aussi sensibles qu’une chatte à la présence d’un observateur. L’accouchement loin de notre environnement naturel peut causer aux humains les mêmes types de difficultés que les animaux captifs rencontrent lorsqu’ils mettent bas dans un zoo.
Michel Odent cautionne également que même la faim, qui stimule aussi les hormones de combat et de fuite, peut arrêter le progrès du travail. Il suggère aux femmes de manger, si elles en ressentent le besoin, dès les toutes premières phases du travail; toutefois, plusieurs hôpitaux ont des protocoles qui défendent aux femmes de manger une fois qu’elles ont été admises.
L’ocytocine est l’hormone qui cause les contractions de l’utérus durant le travail. Les niveaux d’ocytocine augmentent graduellement pendant le travail, et sont à leur maximum au moment de la naissance, ce qui contribue à l’euphorie et la réceptivité de la mère envers son bébé habituellement ressenties après une naissance sans médicaments. Ce pic, déclenché par les sensations d’étirement du vagin au moment de la naissance, ne se produit pas lorsqu’une épidurale est en place. On a observé que l’épidurale interfère avec l’attachement entre les brebis et leurs agneaux.
L’ocytocine synthétique est souvent administrée par intraveineuse (directement dans le sang) lorsque les contractions ne sont pas efficaces. Toutefois, administrée de cette façon, elle n’atteint pas le cerveau et alors ne contribue pas à l’euphorie de la naissance, et en fait peut désensibiliser la mère à sa production naturelle d’ocytocine. La stimulation des mamelons est parfois utilisée pour stimuler les contractions puisque, comme l’allaitement, elle cause l’augmentation des niveaux d’ocytocine.
L’ocytocine a un autre rôle crucial à jouer après la naissance. Elle cause les contractions qui provoquent la séparation du placenta de la paroi de l’utérus, ainsi que son expulsion. Lorsque les niveaux d’ocytocine sont élevés, les contractions sont fortes, ce qui réduit le risque de saignement ou d’hémorragie post-partum.
Mettre votre bébé au sein est la façon la plus simple d’augmenter les niveaux d’ocytocine, mais Michel Odent mentionne également l’importance de l’intimité durant l’heure suivant la naissance. Ceci permet le contact peau à peau et visuel ininterrompu entre la mère et son bébé, ce qui optimise la sécrétion d’ocytocine.
L’ocytocine nous aide autant dans la transition émotive que dans la transition physique à la maternité. Dès les premières semaines de grossesse, l’ocytocine nous aide à être émotivement ouvertes et plus réceptive aux contacts sociaux et au support. En tant qu’hormone de l’orgasme, de l’accouchement et de l’allaitement, l’ocytocine nous encourage à « s’oublier », que ce soit par altruisme, service d’autrui ou à travers des sentiments d’amour.
Les hormones de combat et de fuite, aussi appelées catécholamines, peuvent interférer avec la sécrétion d’ocytocine durant le travail et après la naissance. Cependant, elles ont un rôle important à jouer dans la deuxième phase du travail, la phase de la naissance.
Tôt dans la deuxième phase du travail, lorsque le col est complètement dilaté mais que l’envie de pousser n’est pas encore très forte, la femme peut sentir le besoin de se reposer un peu. C’est une pause bien appréciée... Ensuite, la femme peut soudainement avoir la bouche sèche, les pupilles dilatées et un regain d’énergie, tous des symptômes caractéristiques d’un pic de catécholamines.
Cette poussée de catécholamines donne à la mère l’énergie pour expulser son bébé. Michel Odent remarque que lorsque la mère n’a pas reçu de médicaments, elle veut habituellement se placer à la verticale. Certaines cultures traditionnelles ont utilisé cet effet combat/fuite pour aider les femmes qui avaient des difficultés à accoucher en les surprenant ou en criant durant cette phase. C’est tout à fait logique, à ce point de non-retour, que la peur ou le danger précipite la naissance, pour permettre à la mère de prendre son bébé et de s’enfuir pour chercher refuge.
Les niveaux de catécholamines baissent rapidement après la naissance, ce qui peut faire en sorte que la mère aura froid ou des tremblements. Selon Michel Odent, un environnement très chaud est essentiel à cette étape, afin de maintenir les niveaux de catécholamine bas et de permettre à l’ocytocine de travailler efficacement pour prévenir les saignements.
L’autre hormone importante, la prolactine, est plus connue pour ses effets après la naissance. La prolactine est l’hormone principale de la production de lait. La succion du bébé augmente les niveaux de prolactine; la succion précoce et fréquente dès les premiers jours rend les seins plus réceptifs à la prolactine, ce qui à long terme aide à assurer une bonne production lactée.
Comme le font les autres hormones, la prolactine affecte les émotions et le comportement. Elle nous aide à répondre avant tout aux besoins du bébé en augmentant la soumission, l’anxiété et la vigilance.
Lorsque la prolactine est combinée à l’ocytocine, comme elle l’est tôt après la naissance et durant l’allaitement, elle encourage un dévouement détendu et désintéressé pour le bébé qui contribue à la satisfaction de la mère et à la santé physique et émotionnelle du bébé.
La béta-endorphine est une des endorphines sécrétée par le cerveau dans les périodes de stress ou de douleur, et elle est l’équivalent naturel aux drogues anti-douleurs comme la péthidine (Démérol).
Durant le travail, la béta-endorphine aide à soulager la douleur et contribue au sentiment d’être « sur une autre planète » que les femmes ressentent lorsqu’elles ne reçoivent pas de médicament. Les niveaux de béta-endorphine sont réduits lorsque les drogues sont administrées pour soulager la douleur.
Des niveaux très élevés de béta-endorphine peuvent ralentir le travail en diminuant le niveau d’ocytocine, ce qui fait comme si l’on « rationnait » l’intensité du travail en fonction de notre capacité de la supporter. Des niveaux modérés de béta-endorphine nous aident à gérer la douleur durant le travail, en plus de nous encourager à suivre nos instincts. Dans le cocktail hormonal près la naissance, la béta-endorphine jour un rôle dans l’attachement entre la mère et son bébé, qui lui aussi est infusé des endorphines de la naissance.
La béta-endorphine « allume » l’apprentissage et la mémoire, ce qui peut expliquer pourquoi nous nous rappelons le travail et l’accouchement avec tant de précision. Comme l’ocytocine, les endorphines peuvent provoquer l’euphorie et sont aussi sécrétées lorsque l’on fait l’amour et durant l’allaitement. En effet, les endorphines sont présentes dans le lait maternel, ce qui explique le « high » des bébés allaités à la fin d’une tétée. La béta-endorphine aide la sécrétion de prolactine, un exemple de la relation complexe entre ces hormones du travail, de l’accouchement et de l’allaitement.
Vous voilà donc dans la porte, votre valise à la main, en pleine contraction. Vous vous souvenez de l’ocytocine et des endorphines, que vous portez aussi en vous, et avec votre prochaine respiration, vous laissez aller la peur et la tension. Vous avez apporté votre nouveau soutien-gorge d’allaitement, et vous savez que la prolactine vous aidera aussi. Comme vous jetez un dernier regard sur votre maison, vous remarquez votre chatte.
Elle est couchée avec ses chatons accrochés à ses mamelles, et lorsque vous croisez son regard, elle vous fait un clin d’oeil.
Sarah J. Buckley est médecin de famille, omnipraticienne et auteure reconnue à l’échelle internationale. En plus d’être mère de quatre enfants, tous nés à la maison entre 1990-2000, elle écrit sur la grossesse, l’accouchement et le parentage. Son nouveau livre « Gentle Birth Gentle Mothering : The Wisdom and Science of Gentle Choices in Pregnancy, Birth and Parenting », un recueil des ses meilleurs articles, est maintenant disponible à www.sarahjbuckley.com
© Version française par Stéphanie Dupras, IBCLC, RLC, Consultante diplômée en lactation, Doula, Éducatrice périnatale.
mardi 27 janvier 2009
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