Le dépistage de la trisomie 21 est-il bien compris par les femmes ?
7 janvier 2009
Le dépistage de la trisomie 21 fait l'objet d'une règlementation spécifique en France imposant l'obtention du consentement écrit des femmes. Une étude menée par l'unité Inserm 912 "Sciences économiques et sociales, systèmes de sante, sociétés" et le Département de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Poissy-Saint Germain dans les Yvelines révèle pourtant que les femmes sont susceptibles de mal comprendre les différentes étapes de ce dépistage. Les chercheurs montrent ainsi que la moitié des femmes qui ont accepté une échographie et un test sanguin n'avaient pas conscience qu'elles pourraient être amenées à prendre d'autres décisions : faire ou non une amniocentèse et, en cas de diagnostic avéré de trisomie 21, poursuivre ou interrompre leur grossesse. Ces travaux sont publiés en ligne dans la dernière édition de Prenatal Diagnosis.
En France, la proposition d'actes médicaux visant à établir un diagnostic prénatal doit être accompagnée d'une démarche d'information de la femme enceinte (décret du 6 mai 1996). Le professionnel de santé doit certifier avoir informé la femme enceinte lors de la proposition de dépistage (signature d'une attestation par le prescripteur) et la prescription doit être accompagnée du consentement écrit de la femme pour la réalisation du dépistage.
Le dépistage de la trisomie 21 chez les enfants à naître repose habituellement sur deux étapes : l'échographie du premier trimestre de grossesse, suivie par un dosage sanguin de marqueurs maternels associés à la trisomie 21. Ce test sanguin est proposé aux femmes enceintes de manière systématique depuis 1997 ; il établit un risque global de trisomie 21 en y associant le risque inhérent à l'âge de la mère. En fonction du résultat obtenu, la future mère peut se voir proposer de poursuivre le processus de dépistage par un prélèvement de liquide amniotique ou amniocentèse, avec un risque de fausse-couche dans 0,5 à 1% des cas. En cas de diagnostic avéré de trisomie 21 après amniocentèse, la femme enceinte devra prendre la décision de poursuivre ou non sa grossesse.
Un certain nombre d'études ont porté sur l'efficacité de ce type de dépistage, son coût pour la société, ou sur la clarté et la compréhension de l'information délivrée. Aucune sur la manière dont les femmes abordent les décisions successives qu'elles sont amenées à prendre lors du dépistage de la trisomie 21. Or, en pratique, les femmes doivent prendre rapidement des décisions complexes.
Sont-elles réellement conscientes des implications de leurs décisions ? Pour répondre à cette question, Valérie Seror, chargée de recherche dans l'Unité Inserm 912 et Yves Ville, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'Hôpital Necker-Enfants Malades ont analysé, sur la base d'un auto-questionnaire, les décisions successives prises par 391 femmes ayant accouché dans une maternité des Yvelines entre avril et octobre 2005. 88,3% des femmes ont suivi le processus de dépistage habituel, à savoir : mesure de la clarté nucale (1) par échographie et dépistage sanguin au 1er ou au 2e trimestre.
L'étude des questionnaires révèle que la plupart des femmes n'étaient pas conscientes des implications possibles du dépistage de la trisomie 21 ou ne les comprenaient pas. Environ 40% des femmes qui ont eu une échographie et un dosage sanguin n'avaient pas conscience qu'elles pourraient être confrontées à un moment donné à la décision de ne pas poursuivre leur grossesse. Plus de la moitié d'entre elles n'avaient pas pensé au fait que le dépistage pouvait aboutir à une amniocentèse et environ un tiers ne comprenaient pas les résultats du dosage sanguin.
L'analyse détaillée a montré des différences d'implication dans la prise de décision : les femmes passives à l'égard de la décision, c'est-à-dire déclarant ne pas avoir eu conscience des implications du dépistage et ayant délégué leur prise de décision au médecin, étaient fréquemment caractérisées par une mauvaise compréhension du résultat de leur dépistage sanguin.
"Si les femmes enceintes peuvent considérer que les prises de décision relatives à leur suivi de grossesse sont du ressort du médecin, il est en revanche discutable qu'elles n'aient pas conscience des implications potentielles du dépistage, notamment la possibilité d'avoir à décider de la poursuite ou de l'arrêt de la grossesse" précise Valérie Seror.
Alors que le principe de décision éclairée est au coeur du dispositif réglementaire qui encadre le dépistage de la trisomie 21, les chercheurs concluent qu'il ne s'agit pas de condamner l'attitude des femmes, mais d'accompagner le dépistage par une information adaptée leur permettant des prises de décision en accord avec leurs valeurs.
Note :
(1) Poche de liquide présente temporairement au niveau du cou du foetus, dont la mesure permet d'estimer le risque de trisomie 21.
Pour en savoir plus
Source :
"Prenatal screening for Down syndrome : women's involvement in decision-making and their attitudes to screening"
http://www.inserm.fr/fr/presse/communiques/seror_70109.html
mercredi 21 janvier 2009
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