samedi 18 décembre 2010

Monitorage électronique en continu systématique du fœtus

Source : Nardin JM. Cardiotocographie en continu (CTG) comme forme de monitorage fœtal électronique (MFE) pour l'évaluation fœtale au cours du travail : Commentaire de la BSG (dernière révision : 9 janvier 2007). Bibliothèque de Santé Génésique de l'OMS; Genève : Organisation mondiale de la Santé.

Cardiotocographie en continu (CTG) comme forme de monitorage fœtal électronique (MFE) pour l'évaluation fœtale au cours du travail

À l'exception de la diminution de l'incidence des convulsions néonatales, aucun effet bénéfique à court ni à long terme n'a été observé pour le monitorage électronique en continu systématique du fœtus. La pratique du monitorage électronique du fœtus a été associée à une augmentation significative des taux de césariennes et d'accouchements assistés par voie basse.

Commentaire de la BSG par Nardin JM

1. RÉSUMÉ DES PREUVES

Cette analyse documentaire systématique Cochrane (1) évalue l'efficacité et l'innocuité de la cardiotocographie en continu (CTG) (définie comme une tentative visant à obtenir un enregistrement continu et simultané sur papier du rythme cardiaque fœtal et des contractions utérines en temps réel au cours du travail chez la femme, afin de surveiller le bien-être fœtal) en la comparant à : (i) l'absence de monitorage fœtal ; (ii) l'auscultation intermittente (AI) du rythme cardiaque fœtal par stéthoscope de Pinard ou appareil doppler portable ; et (iii) la CTG intermittente.
Une recherche documentaire extensive et appropriée, reposant sur la stratégie du Pregnancy and Childbirth Group de la Cochrane Collaboration, a été réalisée. Les mesures de résultats proposées par les auteurs correspondent à celles généralement considérées comme ayant une importance majeure dans l'évaluation du monitorage fœtal électronique dans le cadre de la surveillance du fœtus. La méthodologie suivie pour l'extraction, l'analyse et la présentation des données était de bonne qualité.
Au total, 12 études portant sur 37 615 femmes ont été incluses dans la présente analyse documentaire. 11 d'entre elles comparaient la CTG en continu à l'auscultation intermittente ; six comprenaient un prélèvement de sang fœtal complémentaire. Un essai comparait la CTG en continu à la CTG intermittente, et le prélèvement de sang fœtal était possible pour les deux groupes.
Les auteurs ont inclus des essais randomisés et quasi-randomisés dans l'analyse, ce qui s'est traduit par des disparités de qualité méthodologique ou par une hétérogénéité des données disponibles. Trois essais portaient uniquement sur des femmes présentant un risque faible, cinq n'ont recruté que des femmes présentant un risque élevé, tandis que les quatre autres incluaient des femmes présentant des risques variés. La répartition en aveugle était inappropriée dans quatre des essais inclus, portant sur 17 235 femmes au total, soit la moitié de l'échantillon utilisé dans le cadre de l'analyse, ce qui pourrait avoir influencé les résultats globaux. Néanmoins, pour pallier ce problème, les auteurs ont réalisé une analyse de sous-groupes en fonction de la qualité méthodologique.
Il convient de souligner deux problèmes d'ordre méthodologique concernant la présente mise à jour de l'analyse documentaire. Premièrement, la principale différence par rapport à la version précédente (2) est l'inclusion d'un essai avec répartition alternée des patientes qui porte sur 14 618 femmes présentant un faible risque, inclus dans la comparaison entre la CTG et l'AI (3) ; et, deuxièmement, les données d'un essai à trois groupes comparant la CTG en continu avec ou sans prélèvement de sang fœtal (4) où les femmes ont été traitées en utilisant une division arbitraire du nombre de témoins pour éviter tout double comptage lors de la comparaison de ce groupe avec les deux groupes expérimentaux. Il convient également d'interpréter ces données avec prudence car les témoins ont été répartis en deux groupes non randomisés, ce qui pourrait amoindrir la puissance statistique et la qualité de l'essai original.
1.1 CTG en continu contre CTG intermittente
En se basant sur les données d'un essai portant sur 4 044 femmes présentant un risque modéré de complications, aucune différence significative n'a été observée entre la CTG en continu et la CTG intermittente (5). Néanmoins, une tendance favorable à la CTG intermittente a été observée pour la plupart des résultats évalués dans le cadre de cette analyse (comparaison 05), dont la césarienne (risque relatif (RR) = 1,29 [intervalle de confiance à 95 % (IC95) : 0,84-1,97]), l'accouchement par voie basse avec extraction instrumentale (RR = 1,16 [IC95 : 0,92-1,46]), le score d'Agpar inférieur à sept à cinq minutes (RR = 2,65 [IC95 : 0,70-9,97]), et l'admission en unité néonatale de soins intensifs (UNSI) (RR = 1,34 [IC95 : 0,91-1,98]).
1.2 CTG en continu contre auscultation intermittente
11 essais ont été inclus dans cette comparaison ; la répartition en aveugle n'était appropriée que dans deux d'entre eux (13 314 femmes), elle n'était pas claire dans cinq autres (3 032 femmes) et était inappropriée dans les quatre derniers (17 235 femmes).
Aucune différence n'a été relevée en matière de mortalité périnatale, d'encéphalopathie par hypoxie et d'anomalies du développement neurologique à l'âge de 12 mois. La méta-analyse de neuf essais a mis en évidence une réduction de 50 % des convulsions néonatales (RR = 0,50 [IC95 : 0,31-0,80]). Une tendance vers une augmentation des infirmités motrices cérébrales a été observée en cas de CTG en continu (RR = 1,74 [IC95 : 0,97-3,11]). Ce résultat est toutefois largement influencé par un essai mené à petite échelle, dans lequel 35 % des patients ont été exclus après randomisation (poids de naissance > 1 750 g), et qui portait sur les données du reste de la cohorte composée de nouveau-nés de poids de naissance compris entre 700 et 1 750 g (6, 7). Les auteurs de l'analyse font également état d'une augmentation globale statistiquement significative des césariennes (RR = 1,66 [IC95 : 1,30-2,13]) et des extractions instrumentales lors des accouchements par voie basse (RR = 1,16 [IC95 : 1,01-1,32]) dans le groupe ayant eu une CTG en continu.

2. PERTINENCE DANS LES MILIEUX DÉFAVORISÉS

2.1. Étendue du problème

L'oxygénation du fœtus nécessite un apport adéquat de sang maternel au placenta, un bon fonctionnement du placenta, et une veine ombilicale perméable au niveau du cordon ombilical. Les contractions utérines survenant au cours du travail peuvent diminuer ou interrompre le flux sanguin maternel vers le fœtus et compromettre ainsi le bien-être de ce dernier. La plupart des fœtus disposent d'une réserve d'oxygène suffisante pour pallier cet apport réduit en oxygène, mais dans un nombre limité de cas, le manque d'oxygène entraîne une souffrance fœtale. La compression du cordon ombilical au cours du travail peut également entraîner une souffrance fœtale (8). Plusieurs facteurs de risque survenant avant et pendant l'accouchement ont été associés au développement d'une encéphalopathie néonatale, d'une infirmité motrice cérébale ou même au décès périnatal (9). Malgré cela, la surveillance du bien-être fœtal n'a pas beaucoup évolué au cours des dernières décennies et les interventions actuellement utilisées dans les pays en voie de développement ne sont pas si différentes de celles utilisées il y a de nombreuses années. En outre, si la CTG en continu est largement utilisée dans les pays développés, elle ne l'est que rarement dans bon nombre de milieux défavorisés.

2.2. Applicabilité des résultats

Parmi les essais inclus, un seul a été mené dans un pays en voie de développement. Ce dernier portait sur 200 femmes présentant un risque élevé (toutes avec coloration méconiale du liquide amniotique). Seules des données non publiées de cet essai étaient disponibles pour la présente analyse, et les auteurs ont estimé que la répartition en aveugle employée était inappropriée (10).
Les onze autres essais ont été réalisés dans des pays développés, et la plupart suivaient des protocoles de recherche contrôlés de façon stricte. Par conséquent, les résultats de la présente analyse documentaire ne seraient pas facilement applicables dans les milieux défavorisés, où le nombre de cardiotocographes disponibles est faible ou nul, où le personnel n'est pas suffisamment nombreux ni suffisamment formé, et où les ressources pour l'entretien et les produits consommables sont minces, et dans lesquels il serait difficile de reproduire les conditions optimales pour une CTG en continu.

2.3. Mise en œuvre de l'intervention

Sur la base des données passées en revue ici, l'utilisation de la CTG en continu dans les milieux défavorisés n'est pas recommandée. Les responsables politiques et les administrateurs de la santé qui envisagent la mise en œuvre d'une politique de ce type devraient prendre en considération le fait que la supériorité globale de la CTG en continu par rapport aux autres méthodes évaluées n'a pas été démontrée et que son instauration entraînerait une augmentation considérable des coûts en matière de soins maternels. Si elle est adoptée, la CTG en continu devrait faire l'objet d'une évaluation ou d'un audit méticuleux après sa mise en œuvre.

3. RECHERCHE

Bien qu'une réduction significative des convulsions néonatales après l'utilisation de la CTG en continu ait été observée par rapport à l'auscultation intermittente, les facteurs expliquant cette diminution restent inconnus. Pour étudier ces facteurs et leurs conséquences potentielles à long terme, des essais comportant un suivi à long terme des nouveau-nés sont nécessaires.
Par ailleurs, dans bon nombre d'hôpitaux des pays en voie de développement, la CTG en continu n'est pas une procédure habituelle, et elle n'y est parfois jamais utilisée. En revanche, une association de CTG intermittente et d'auscultation intermittente au moyen de dispositifs portables ou du stéthoscope de Pinard entre les périodes d'enregistrement est souvent considérée et acceptée comme pratique standard. Cette association permet d'optimiser l'utilisation du nombre souvent restreint de cardiotocographes et de produits consommables.
La puissance statistique des comparaisons entre la CTG en continu et la CTG intermittente était insuffisante pour déceler une différence entre les deux groupes. De futurs ECR disposant d'une puissance statistique suffisante devraient explorer la possibilité de comparer les deux variations susmentionnées de cette méthode de surveillance chez les patientes présentant un risque élevé. Cette comparaison devrait inclure une évaluation des coûts totaux des soins en prenant en considération les appareils, les produits consommables et la maintenance du matériel, ainsi que la nécessité d'une formation appropriée à l'interprétation des résultats.
La réalisation d'ECR évaluant l'efficacité de la CTG en continu par rapport à l'AI dans les grossesses à risques faibles à élevés en matière de résultats à long terme, d'infirmité motrice cérébrale et d'anomalies du développement neurologique devrait être encouragée. Le point de vue et le taux de satisfaction des mères et des professionnels de santé devraient également être étudiés.

Références

  • Alfirevic Z, Devane D, Gyte GML. Continuous cardiotocography (CTG) as a form of electronic fetal monitoring (EFM) for fetal assessment during labour (Cochrane Review). The Cochrane Database of Systematic Reviews Issue 3, 2006;Chichester, UK: John Wiley & Sons.
  • Thacker SB, Stroup D, Chang M. Continuous electronic heart rate monitoring for fetal assessment during labor. The Cochrane Database of Systematic Reviews Issue 2, 2001;Chichester, UK: John Wiley & Sons.
  • Leveno KJ, Cunningham FG, Nelson S, Roark ML, Williams ML, Guzick DS, et al. A prospective comparison of selective and universal electronic fetal monitoring in 34,995 pregnancies. New England Journal of Medicine 1986;315:615-619.
  • Haverkamp AD, Orleans M, Langendoerfer S, McFee J, Murphy J, Thompson HE. A controlled trial of the differential effects of intrapartum fetal monitoring. American Journal of Obstetrics and Gynecology 1979;134:399-412.
  • Herbst A, Ingemarsson I. Intermittent versus continuous electronic fetal monitoring in labour: a randomized study. British Journal of Obstetrics and Gynaecology 1994;101:663-668.
  • Luthy DA, Shy KK, van Belle G, Larson EB, Hughes JP, Benedetti TJ, et al. A randomized trial of electronic fetal monitoring in preterm labor. Obstetrics and Gynecology 1987;69:687-695.
  • Shy KK, Luthy DA, Bennett FC, Whitfield M, Larson EB, van Belle G, et aI. Effects of electronic fetal heart rate monitoring, as compared with periodic auscultation, on the neurologic development of premature infants. New England Journal of Medicine 1990;322:588-593.
  • Neilson JP. Fetal electrocardiogram (ECG) for fetal monitoring during labour. The Cochrane Database of Systematic Reviews Issue 2, 2003;Chichester, UK: John Wiley & Sons.
  • Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG). Use Of Electronic Fetal Monitoring: The use and interpretation of cardiotocography in intrapartum fetal surveillance. Evidence-based Clinical Guideline Number 8. London: Royal College of Obstetricians and Gynaecologists Press;UK, 2001.
  • Azhar NA, Neilson JP. Randomised trial of electronic intrapartum fetal heart rate monitoring with fetal blood sampling versus intermittent auscultation in a developing country. British Journal of Obstetrics and Gynaecology 2001;(unpublished data extracted from Cochrane systematic review):Chichester, UK: John Wiley & Sons.

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